Aujourd'hui, je vous présente un texte paru en 1836 dans le Palamède.
Il est signé d'un "M." et j'imagine qu'il s'agit de F.J.Méry un des fondateurs de la revue.
En cherchant un peu sur internet ce qui avait déjà été publié sur le thème "Napoléon joueur d'échecs" je suis tombé sur le site MJAE, que je vous invite vivement à découvrir, à l'adresse suivante http://www.mjae.com/ et en particulier dans la rubrique "culture" vous y trouverez deux articles sur le sujet, ici http://www.mjae.com/napoleon.html et là http://www.mjae.com/napoleon-3-parties.html
Après l'article du Palamède vous trouverez également une partie apocryphe de Napoléon, joué contre le fameux automate Turc joueur d'échecs (sur lequel il y a beaucoup à dire !)
NAPOLÉON, AMATEUR D'ÉCHECS.
L'empereur Napoléon se délassait au jeu d'échecs des grandes parties qu'il jouait sur l'échiquier de Marengo, d'Austerlitz, de la Moskowa. Ce passe-temps a été commun à tous les grands capitaines. La haute intelligence de l'art de la guerre ne suppose pas toujours au même degré la science des échecs; Napoléon le remarquait lui-même, un jour qu'il venait d'être battu par Berthier.
M. le général comte Merlin, M. le duc de Bassano, M. Amédée Jaubert ont eu la bonté de nous communiquer verbalement quelques particularités inédites sur l'empereur ; elles rentrent dans le domaine de cette revue, et nous nous faisons un plaisir de les publier.
En Egypte, Napoléon jouait aux échecs avec M. Poussielgue, ordonnateur de l'armée d'Orient, ou avec M. Amédée Jaubert. M, Poussielgue était d'une force supérieure, et il battait quelquefois le vainqueur des Pyramides. Pendant la campagne de Pologne, l'ambassadeur persan fut introduit devant l'empereur ; une partie d'échecs était engagée avec Berthier. Napoléon ne se dérangea point et donna audience; M. Amédée Jaubert servait d'interprète. Tout eu poussant ses pièces, l'empereur fit beaucoup de questions à l'ambassadeur sur la Perse, sur l'Orient, sur l'organisation militaire et civile de ces pays. Le Persan, habile diplomate, vantait la Perse et ne tarissait pas d'éloges emphatiques sur la cavalerie d'Ispahan. Napoléon l'interrompait quelquefois, mais l'ambassadeur revenait encore à la charge avec sa cavalerie persanne, qu'il mettait au-dessus de toutes les cavaleries de l'univers. L'empereur se détourna en sursaut de l'échiquier, et s'adressant à M. Amédée Jaubert : « Dites-lui que demain je lui montrerai un peu de cavalerie. » L'audience finit là. Tout en continuant sa partie, Napoléon donna des ordres pour rallier autour de son quartier-général les corps disséminés dans les cantonnements voisins. Il les avait sous la main, comme les cavaliers de son jeu, et le lendemain l'ambassadeur vit défiler quarante mille hommes à cheval, comme il n'en avait jamais vu à Ispahan, cavalerie puissante que Paris ne devait plus revoir : elle allait à Moscou !
Dans la même campagne, l'empereur jouait aux échecs avec Murat, Bourrienne, Berthier et M. le duc de Bassano. Il aimait quelquefois à donner une variante à son délassement ordinaire avec un échiquier de liège, chargé de pièces qui n'appartiennent pas aux soixante-quatre cases : c'était le jeu de la guerre ; on y voyait figurer des bataillons, des escadrons, des redoutes , des pontons, des rivières, des pièces de canon. Ce singulier jeu a été inventé en Allemagne, par quelque ingénieur oisif, et il y jouit encore de beaucoup de faveur.
Le duc de Bassano a souvent joué avec l'empereur, en 1809, pendant l'armistice de Vienne. L'empereur ne commençait pas adroitement une partie d'échecs ; dès le début, nous dit M. de Bassano, il perdait souvent pièces et pions, désavantage dont n'osaient profiter ses adversaires. Ce n'était qu'au milieu de la partie que la bonne inspiration arrivait ; la mêlée des pièces illuminait son intelligence ; il voyait au-delà de trois ou quatre coups ; il mettait en œuvre de belles et savantes combinaisons.
Le roi de Naples, Joachim Murat, avait une véritable passion pour les échecs ; il a souvent forcé M. le duc de Bassano de veiller sur l'échiquier une bonne partie de la nuit.
Napoléon a charmé avec ce jeu les ennuis de sa longue traversée à bord du Northumberland. A Sainte-Hélène, il faisait chaque jour ses parties. Si le jeu des échecs n'était pas déjà de haute noblesse, il se serait ennobli pour avoir donné quelques moments d'heureuse distraction au plus grand des prisonniers et des exilés.
M.