jeudi 5 avril 2007

Le Palamède

Par Jean-Olivier

Il y a quelques jours je vous ai parlé de mon petit périple à la Bibliothèque Nationale de France (BNF). Voici le texte d'introduction du Palamède, la plus ancienne revue d'échecs du Monde.
Ce texte est sur la première page du 1er numéro qui date de 1836.


J'ai ajouté dans le texte deux portraits. Tout d'abord celui de la Bourdonnais descendant d'un célèbre navigateur. Il est à noter que ce dessin est l'unique portrait connu de ce joueur d'échecs, probablement le meilleur du Monde à cette époque. De plus ce portrait a été dessiné lors de la mort de Louis-Charles Mahé de la Bourdonnais pour reprendre son nom exact.
J'ai trouvé ici une brève présentation http://groups.msn.com/p2rfg/delabourdonnais.msnw Notez que le dessin sur le site en lien est une copie du dessin original. Désolé mais je n'en ai pas trouvé une meilleur définition.
Le deuxième portrait est celui du cofondateur de la revue, François Joseph Méry, dont une petite présentation se trouve sur Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_M%C3%A9ry

"A une époque où toute chose se résume en journal, le jour­nal que nous annonçons n'étonnera personne. Le Palamède vient, à son tour, remplir une lacune et répondre à un besoin : cette formule, empruntée à tous les prospectus, a cette fois un sens plus vrai que de coutume : le Journal des Echecs était at­tendu. Ce jeu rentre plutôt dans l'académie des sciences que dans l'académie des jeux ; c'est le seul où l'intelligence de l'homme neutralise le hasard. La bonne ou la mauvaise fortune est exilée de l'échiquier. Un grand joueur d'échecs est un artiste, un savant, un ingénieur, un général, un conquérant; c'est Vauban ou Napoléon sur un champ de bataille de soixante-quatre cases, lesquelles représentent autant de lieues carrées, et demandent autant de vivacité, de coup d'œil et de profondeur méditative qu'on en exige d'un homme de guerre ; seulement un général d'échecs retire beaucoup de gloire d'une campagne et ne fait point verser de sang. Le Journal des Échecs est frère naturel du Journal militaire, rédigé par le brave général Haxo, également habile à dresser une batterie sur l'échiquier et sur un glacis.
Le jeu des échecs a repris depuis quelque temps son antique vogue. Nous jouissons d'une longue paix, il nous faut des simu­lacres de guerre. On veut être guerrier à tout prix dans un pays belliqueux. A Paris, le club des Panoramas s'est ouvert pour rivaliser avec les établissements du même genre connus en Europe. Les batailles qui se livrent chaque jour à Westminster, à Vienne et sur le boulevard Montmartre, n'ont point d'historio­graphes ; les grands faits d armes de l’échiquier européen, res­tent ensevelis dans l'ombre , faute de bulletins : le journal que nous annonçons enregistrera les victoires et les défaites; il ren­dra compte de l'état actuel du noble jeu chez les diverses na­tions; il renfermera des notices biographiques sur les hautes célébrités, des anecdotes de clubs, des états comparatifs des mé­thodes usitées en Orient et en Occident ; ce journal sera le re­cueil des bulletins de la grande armée de l'échiquier. Toutefois, pour donner encore à notre feuille un intérêt plus vaste, nous ajouterons à sa spécialité fondamentale un supplément destiné à quelques autres jeux, comme le billard et le wist; jeux où l'a­dresse et le calcul enlèvent aussi au hasard la plus grande part de sa puissance. Nous flétrirons ces repaires, où le jeu perd toute moralité, où le guet-apens remplace l'intelligence, l'a­dresse et les savantes combinaisons,
A l’intérêt qui résulte toujours des faits contemporains, vien­dra se joindre la revue rétrospective des âges anciens et mo­dernes. Ainsi, nous parlerons de ces curieuses recherches faites par les orientalistes sur l'origine du jeu des échecs. La tradition attribue au Grec Palamède l'invention du jeu. Ce Grec aurait, dit-on, découvert l'échiquier sur le sable du Simoïs, au siège de Troie. La chose est naturelle et vraisemblable : il ne fallait rien moins qu'un pareil jeu pour distraire les Grecs devant cet Ilium qu'on assiégeait toujours et qu'on ne prenait jamais. En dix an­nées de blocus, on a le temps d'inventer un jeu. Agamemnon et Clytemnestre, le roi des rois et la reine des reines, les tours des portes Scées, le cheval de bois, et tous ces fous qui se battaient pour l’honneur d'une femme déshonorée, voilà des éléments qu'on peut, avec quelque raison, admettre comme ayant pré­disposé le Grec Palamède à la création des pièces de l'échiquier. Toutefois, plusieurs savants se sont inscrits en faux contre Palamède; et de là sont venues de sérieuses controverses pleines d'attrait, des luttes d'érudition, où l'Asie et l'Europe sont en cause, tant est universel l'intérêt qui s'attache au noble jeu.
Nous exhumerons de l'oubli les mémorables parties que Philidor a jouées avec Stamma d'Alep, et celles qu'il a jouées le dos tourné à l'échiquier. Nous donnerons une glorieuse publicité aux luttes engagées par notre célèbre Deschapelles contre le re­doutable Anglais Lewis, par M. Cochrane contre un bramine, par M. de la Bourdonnais
contre Mac-Donel.
Quelques livraisons renfermeront un chant épique en vers sur la plus intéressante partie du mois. Ce chant sera conçu dans les mêmes proportions que le poème de M. Méry.
Pour exercer l'intelligence des joueurs d'échecs, chaque li­vraison donnera des problèmes à résoudre : ce seront toujours des positions curieuses et des mats de plusieurs coups; la solu­tion en sera renvoyée au numéro suivant.
Le Palamède paraîtra le 15 de chaque mois, en livraisons conformes à ce numéro-prospectus. Le prix de souscription est fixé à 20 francs pour un an, 10 francs pour six mois, pour Paris et les départements ; 5 francs en sus pour l'étranger. S'adresser, franc de port, au bureau du Palamède, rue Vivienne, n°48, au club des Panoramas.
MM. de la Bourdonnais et Méry sont les rédacteurs du Pala­mède. M. de la Bourdonnais signe le Palamède comme gérant responsable ; on devine bien que cette fois la responsabilité change de nature ; elle ne répond de ses délits et de ses erreurs qu'au ministère public de l'échiquier européen."
 
Site Meter